Smoking / no smoking

Dans la série "trognes sylvestres" je vous présente cette oeuvre, au titre inspiré du film d'Alain Resnais (si vous chercher le sens... les photos 1 et 2 peuvent vous mettre sur la piste ou vous perdre dans les méandres du bois).

Déjà une petite présentation de la série "trognes sylvestres" avec la pièce qui a lancé la machine : "l'essentiel est invisible pour les yeux..." :

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Au départ, un arbre : le Frêne... et pour être précis ; le frêne têtard. C'est un arbre qui a une importance toute particulière pour moi : c'est l'arbre emblématique de ma petite région des bords de Loire, un symbole de la sagesse paysanne qui a forgé le bocage dans lequel j'ai grandit, mais aussi une victime fragile des bouleversements environnementaux à l'oeuvre : arrachage des haies, assèchements des zones humides, maladies cryptogamiques...
Face à l'hécatombe subie par ces vénérables centenaires autour de moi, je ne peux pas les laisser finir en bois de chauffage sans essayer à ma petite échelle de transmettre leurs histoires centenaires.

Suivant la même démarche que les dentelles de chêne de Pascal Oudet pour mettre en valeur le terroir sylvestre qui m'entoure ; j'ai décidé de tourner ces pièces suivant des formes simples, en bois vert, en recherchant la finesse suffisante pour que les tensions accumulées se libère en déformant la pièce mais sans la fissurer. La comparaison s'arrête là.

La création commence lors du débit de l'arbre, à chaque coup de tronçonneuse qui dévoile tel un livre ouvert les zones gorgées de tanins, les cicatrices oubliées, les zones ondées... Lorsqu'à travers les cernes, j'arrive à percevoir une image qui me parle, je passe au tournage.

Suivant la même méthode que celle présentée pour ma loupe étammée ; j'affine la pièce du mieux possible. Une fois la pièce tournée et poncée en vert, je la laisse sécher et se déformer, révélant ainsi les tensions accumulées.

Revenons-en à "smoking/no smoking".
Celle-ci sort du lot par ses dimensions : 68cm de diamètre fini (pour 70 au départ) ; et une épaisseur finale qui part de 8mm à l'extérieur et fini à 5 au centre.
Pour vous donner une idée du défi représenté par ce type de tournage, imaginez que lorsque le bois est vert (et donc souple) à une telle épaisseur et avec un tel diamètre, l'amplitude des vibrations est de l'ordre de 20cms (en tout cas avec le frêne connu pour son élasticité) j'ai bricolé une "lunette" spécifique pour l'occasion (une roue de roller au bout d'un manche, fixée par des serre joints pile derrière la zone où ma gouge est en train de couper... la roue de roller a fièrement donné sa vie). Bien évidemment inutile d'espérer faire une pause et reprendre demain : 80% des déformations étaient déjà là après une journée de séchage, c'est un projet où l'on sait quand on commence mais pas quand on finit, et où l'on hésite avant de prendre une pause clope ;).
Après quelques heures sous les copeaux, on passe au ponçage, à l'eau pour éviter de colmater les disques, du grain 80 à 320.

Et puis le séchage : une semaine avec chaque soir un égrenage au 320 ; puis une généreuse pulvérisation d'eau pour que le bois conserve sa souplesse et se déforme sans fissurer. Pour rehausser les effets d'ondes, j'ai dilué un peu de teinte à la chicorée lors de l'avant dernière aspersion.
Encore une semaine de séchage pour laisser des micro-reliefs se former à la surface du bois, et finition à la gomme laque dépolie : 4 tamponnées de gomme laque astra avec égrenage au grain 1000 entre les coups, puis dépolissage à la cire abrasive faite maison (là encore je renvois à mon pas à pas sur la loupe étamée qui a eu à peu près la même finition)

Le support de présentation est fait à la va vite, je voulais absolument pouvoir commencer à le sortir lors de mes expos donc j'ai fouillé ma poubelle à chutes pour sortir deux bouts de chêne. Quand je serais grand et sage je lui en ferais un digne de lui.