Bonjour à tous,
J'ai plaisir à vous présenter ce projet qui m'a bien occupé. Il cumule plusieurs idées pour transformer une petite pièce sous pente qui n'avait pas beaucoup d'usage fonctionnel, en un atout pour les diverses activités qu'on n'a pas tous les jours mais qu'on n'a pas envie de négliger non plus ! J'ai en effet pu y combiner les quatre aménagements suivants dans deux éléments : établi et bureau dans un premier élément, grands tiroirs comme ici et lits d'appoints dans un deuxième.
Je suis particulièrement enthousiaste à l'idée de pouvoir partager ce projet pour inspirer des personnes qui auraient, comme moi, envie d'avoir un atelier tout en vivant en ville dans des espaces comptés, voire étriqués. S'il faut quand même disposer d'un petit coin dédié, j'espère que cela pourra montrer qu'on peut arriver à un compromis raisonnable en combinant les usages et en faisant attention à ce que l'aspect soit celui d'un meuble pour les jours où on ne l'utilise pas comme établi. De même, j'espère que l'idée des tiroirs de rangement se transformant en lits d'appoint pourra vous être utile.
La pièce est un rectangle de 2.5m de large par 4m de long et hauteur allant de 2.2m à 50cm au fond. J'en profite pour dire ici que la compacité de cette pièce est la raison pour laquelle il est difficile de faire des photos d'un rendu complet.
Je commence la présentation par le bloc bureau et établi. Il prend la forme de deux plans de travail disposés en L. La partie proche de la porte est fixe, colonne de tiroirs comme plan, et inclut les fonctionnalités d'établi. La partie à sa droite a un plan repliable et le bloc de tiroir est mobile (voir plus loin).
La colonne fixe sous l'établi a un pan coupé pour faciliter le passage dans la pièce, ce qui rend les tiroirs beaucoup plus étroits et dégage un volume pour des étagères sur le flanc. Cette colonne est fixée à la cloison et au sol pour maximiser la raideur de reprise des efforts venant de l'établi. Le tiroir supérieur de cette colonne n'en est pas un, j'y viens après. La structure de ces blocs est construite assez simplement en CP vissé-collé, seules les façades et les parties visibles sont des pièces rapportées fixées à la structure. Les tiroirs sont en CP de 8mm sauf les façades. Un jour peut-être mettrais-je à profit mon établi pour les refaire en massif et m'entraîner aux queues d'aronde.
Pour la fonction d'établi, j'ai voulu que ce plan inclue les fonctions suivantes :
- une presse parisienne et greppes associées dans le plateau
- possibilité d'utiliser le mouvement de presse parisienne sur de grandes largeurs, pour pouvoir assembler des façades en cadres et panneaux
- utilisation de la fonction mobile de la presse parisienne en étau à bois pour tenir des pièces verticalement et horizontalement à l'envi pour tronçonner et tailler les bouts
- une presse frontale
- pouvoir installer des valets d'établi sur le plan
- pouvoir maintenir des panneaux ou des pièces longues sur le flanc avec des serre-joints le long d'une retombée du plan, un peu façon établi MFT moderne
- utilisation possible debout, donc un plan haut
Dès le départ il était prévu que la fonction d'établi et d'atelier ne soit pas permanente et soit cumulable avec une utilisation en bureau pour justifier l'aménagement un peu plus raisonnablement. Ainsi, je voulais que le plan et le meuble incluent les fonctions suivantes:
- tous les mécanismes de presse invisibles et non-saillants par rapport au meuble, et plus généralement une esthétique de meuble
- possibilité de rendre le plan de travail intégralement lisse et bouché
- disposer d'une tablette à clavier et souris d'ordinateur à la bonne hauteur
Avec ce cahier des charges en tête, voici ce que j'ai conçu.
Le plan fixe d'établi est un assemblage de lames collé de 50mm d'épaisseur, la largeur des lames étant variable entre 20, 25 et 30mm pour combiner les positions voulues des greppes. Comme on le voit sur la photo il laisse un large morceau d'angle disponible pour le mouvement de presse parisienne. Les deux lames au bord de la presse incluent deux larges rainures qui guident et bloquent le mouvement de la presse verticalement. Ce plan est vissé sur la colonne par vissage dessous et le long des cloisons par des tasseaux encastrés.
Le mouvement de la presse parisienne est créé par une vis trapézoïdale de 14mm solidaire en translation de la presse, et est entraînée par un écrou prisonnier solidaire du plan. Ainsi lors de la fabrication du plan, j'ai prévu un logement pour cet écrou ainsi que pour deux plaques d'acier de 3mm de part et d'autre pour répartir la pression de l'écrou sur une plus grande surface que sa tête hexagonale. Le logement et la gorge pour la vis sont localisés à l'interface entre deux lames pour les tailler par demi-formes.
Les trous carrés pour recevoir les greppes sont confectionnés par la superposition de lames de pleine longueur et de sections de lames collées à l'espacement voulu. Ces sections de lames incluent des épaulements qui permettent de bloquer verticalement les greppes soit en position rentrée, soit en position sortie. La différence entre ces deux positions est le sens dans lequel on met la greppe dans le trou. Cette greppe incluant des épaulements complémentaires à ceux du plan, soit la tête la greppe rentre dans le trou formé entre deux épaulements de plan, soit elle s'appuie dessus et la tête dépasse du plan.
La raison pour laquelle j'ai choisi de faire ces greppes carrées de cette manière, plutôt que plusieurs trous ronds façon MFT dans un plan complet, tient surtout à la volonté d'avoir un plan de bureau lisse et joli. Ainsi, je voulais que le bouchage des trous soit réalisé par les greppes elles-mêmes et que ces greppes soient en bois. Comme je ne suis pas capable de tourner des greppes au diamètre d'un perçage et avec un épaulement, j'avais besoin que ces greppes et les trous soient carrés. D'autre part, en les utilisant en greppe, les faces contre lesquelles le bois s'appuie sont planes et non circulaires, ce qui répartit bien mieux la pression. En revanche soyons clairs : si fabriquer les greppes est aisé, le collage du plan de l'établi est rendu très fastidieux par ces multiples sections à fabriquer et à positionner précisément pour réaliser un maillage d'équerre.
La suite de la fabrication est le gros morceau compliqué : la presse parisienne en bout de plan. Elle est fabriquée en de multiples couches et sections enfourchées, croisées et empilées pour façonner la forme globale, les trous de greppes et bien sûr en garantissant une forte résistance aux efforts qu'elle va reprendre. Je précise que je l'ai fabriquée en prévoyant quelques mm de gras pour ses cotes hors tout, et que toutes les faces finales ont été dressées et coupées à façon sur l'assemblage avec le plan fixe pour garantir les équerrages et les affleurements.
J'en viens aux usinages fonctionnels pour le mouvement. A l'origine j'avais prévu que la coulisse le long du grand bord avec le plan fixe soit une queue d'aronde qui verrouille tous les mouvements sauf la translation. Cependant, lors des tentatives à tâtons, la réalisation s'est finie avec trop de jeu. J'aurais pu refaire la partie mâle qui n'est pas collée sur la presse (en prévoyant ce problème) mais j'ai pris conscience que c'était impossible de trouver un usinage sans jeu mais qui arrive à glisser.
J'ai donc changé de stratégie:
- la queue d'aronde existe toujours mais n'a aucune fonctionnalité le long de la presse. Seul le long morceau qui dépasse, et qui "bouche" la rainure lorsque la presse est ouverte et qui rentre dans le plan, est ajusté en épaisseur dans le sens horizontal. Ainsi quelque soit la sortie de la presse, elle est tenue par un point dans le plan horizontal qui la fait affleurer le plan fixe à son bout.
- la presse dispose maintenant de deux rainures horizontales dans le sens de son coulissement, tout le long du long bord et au bout du bord court au fond du plan
- la colonne a deux tasseaux vissés qui coulissent dans les rainures précédentes. Le positionnement des tasseaux est aisé à trouver en présentant l'ensemble et en fixant les vis au fur et à mesure du recul de la presse qui dégage les vis.
Le scotch bleu est une tentative de limiter ce jeu, je l'ai laissé comme souvenir et parce que puisqu'il limite le jeu, la queue d'aronde participe toujours un peu au guidage. Le jour où cela ne me plaît plus, tout est refaisable puisque la partie avec la queue est restée démontable.
La vis est une tige filetée sur laquelle un écrou est soudé et meulé. Elle est bloquée en translation par un écrou et contre-écrou dans un dégagement sous la surface.
Dernier petit usinage pour ajouter une fonctionnalité à ce mouvement de presse parisienne : il existe une gorge en queue d'aronde derrière la retombée du plan fixe. Une petite coulisse en hêtre peut glisser du plan fixe au mors mobile pour avoir accès à un serrage d'une pièce en position verticale. Ainsi elle est mise en position par les greppes frontales, puis on peut rigidement la tenir et l'empêcher de basculer avec un petit serre joint lorsqu'on taille des queues d'aronde par exemple. Evidemment, ce n'est qu'une alternative à la presse frontale.
La presse frontale est camouflée dans le tiroir supérieur de la colonne. Lorsqu'on sort celui-ci, on ajoute un étrier sur la façade qui forme le mors mobile. Avec la vis de serrage en façade on a alors accès au mouvement et à la pression.
Le tiroir est en massif de 25mm d'épaisseur avec de grosses queues d'arondes pour le rendre robuste. On verra si l'épaisseur et le collage du fond en massif aussi me joue des tours à l'avenir. Les coulisses sont également en bois de hêtre et glissent dans des rainures dans les flancs du tiroir. Il y a aussi des coulisses en bois sur les flancs pour forcer le tiroir à rester bien rigidement dans son axe, le tout a été ajusté en blocs de hêtre dans la colonne.
La vis est également une tige filetée trapézoïdale de 14mm avec un écrou soudé, bloquée en translation au bout du tiroir par un écrou et contre-écrou. Elle embraye dans un écrou prisonnier d'un gros bloc en CP vissé dans la colonne.
Tout cet ensemble de presse frontale a permis de valider la presse parisienne puisqu'il s'agit du tout premier projet fabriqué sur l'établi. Au final je suis vraiment satisfait de la presse parisienne qui est robuste, précise et forte. Je suis un peu moins satisfait de la raideur de l'étrier sur la presse frontale, il faudra peut-être le refaire un jour car il a tendance à déverser dès qu'on serre fort et ne plus plaquer sur un plan. L'ajout d'une épaisseur de cuir permettra d'y être un peu plus tolérant aussi.
Pour le plaisir, je finis la présentation de l'établi par quelques vues de pièces de bois en position dans différentes fonctions des presses. Je n'en ai encore pas fait le tour et les multiples positionnements peuvent se combiner. Comme on le voit, pour le moment je me contente d'une clé à cliquet rangée pas loin pour actionner mes presses.
Il me restera à découper un panneau qui permette de rattraper la longueur entre les greppes au bout de la presse parisienne et celles de devant, pour pouvoir utiliser le mouvement de serrage sur toute la profondeur de l'établi. Pour compléter les mises en position sur le plan, il me reste aussi à fabriquer mes valets d'établi, ce sera une prochaine publication.
Enfin pour ce bloc, il y a la fonction bureau informatique ou non. Pour cela rien de très compliqué : on range toutes les presses et les greppes pour avoir un plan lisse et continu. Puis éventuellement on dispose d'une tablette à clavier et souris à double coulisse pour pouvoir à la fois être rangée totalement derrière l'encombrement de la colonne à tiroir et sortir totalement en saillie du plan pour son utilisation. Je suis tombé à court de bonnes idées pour construire la structure coulissante de cette tablette et j'ai sorti la visseuse. Même si j'aurais pu faire mieux, ça ne se voit pas.
Pour le moment, un trou de greppe me sert de passe-câbles, on verra à l'avenir si ça vaut la peine de sortir la scie cloche pour en mettre un vrai conçu pour ça.
Le plan de droite ne recèle pas de fonctionnalité particulière si ce n'est qu'il est relevable comme je l'explique plus loin. Le fait de le relever peut permettre de l'effacer pour disposer d'une largeur d'établi et d'un recul devant les presses plus grands. Ce plan est maintenu par la petite étagère qui possède un fond peint de la même teinte que le mur. Ainsi l'étagère est suspendue par le fond de manière bien plus robuste puisqu'elle n'est tenue que le long de cette arrête. Elle est également simplement appuyée sur le plan fixe de l'établi via un bouvetage.
Je poursuis la présentation par le bloc de tiroirs, banc et lits. Le bloc est constitué d'une structure en contreplaqué de 18mm et 15mm suivant les pièces. Les voiles sont fixés au sol et au plafond et maintenus entre eux par des écarteurs garantissant la géométrie pour le fonctionnement des tiroirs.
Les tiroirs sont en contreplaqué de 15mm, ceux du bas font 148cm x 78cm x 38cm, ceux du haut 80cm x 78cm x 20cm, de quoi ranger ! Les grands du bas roulent sur le sol avec des roulettes compactes. Ce choix est justifié par leur taille et la charge qu'on peut mettre dedans, la facilité et le faible coût ainsi que par l'usage détourné en lit qui nécessite de toute façon des appuis au sol, excluant toute glissière. On voit sur la deuxième photo un rail en T sous chaque tiroir qui permet de garantir qu'ils restent dans l'axe au fur et à mesure des manipulations, le tiroir comportant une gorge complémentaire. Les tiroirs supérieurs utilisent des glissières à galet à sortie totale tout ce qu'il y a de plus classiques.
Au dessus des tiroirs supérieurs se trouve une longue étagère filante pour utiliser en partie le volume triangulaire restant, cette étagère étant fermée dans le fond et vers le plafond par des tableaux en MDF peints. Enfin, une cornière en frêne soigne la finition de l'angle supérieur.
Au-dessus des tiroirs inférieurs se trouve un large banc dont la vocation est autant l'agrément visuel pour l'aspect de la pièce que pratique lors de l'usage détourné en lit ou pour des enfants. Les façades rapportées des tiroirs sont de simples cadres en frêne avec un panneau peint. Les poignées sont des sangles de cuir avec des rondelles cache-vis de la couleur des façades et du mur. Les tiroirs de dessous pouvant être très lourd, j'ai ajouté des poignées en bois taillées à la courbe de la sangle qui n'est donc plus que décorative.
Ces tiroirs et le banc peuvent donc être transformés en un ou deux lits d'appoint, quelque soit le ou les tiroirs choisis. Pour ce faire, tout le matériel nécessaire à la transformation est stocké dans le tiroir de gauche. En temps normal, la sortie de ce tiroir est bloquée par le bloc tiroir du bureau ce qui le rend tout désigné pour stocker ce matériel à l'usage rare et qui demande de toute façon de débarrasser la pièce pour être utilisé.
La première étape de la transformation consiste à replier le bureau et repousser le bloc de tiroir. Le premier se verrouille en position haute avec une grenouillère contre le flanc le plus à droite. Le bloc tiroir quant à lui est sur roulettes rendues invisibles par les plinthes. Pour que cette mobilité ne soit pas gênante en temps normal, le bloc est verrouillé latéralement au plan par les barreaux que l'on voit et qui sont taillés en trapèze pour être auto-centreurs.
Puis, une fois le tiroir sorti, il faut déployer et bloquer les pieds de lit, garantissant que celui ci est bien fixe et qu'on ne détruit pas les roulettes. Ces pieds sont des carrelets de hêtre qui coulissent dans des colonnes de CP dans le coin. Un élastique garantit que les pieds sont rétractés en temps normal. Les pieds sont déployés et bloqués en place via une traverse en forme de U qui s'insère sur et sous un tasseau en hêtre en tête de tiroir.
Lors de cette étape, il est possible de démonter les façades de tiroir. Celles-ci sont liées aux tiroirs par des coulisses en queue d'aronde. Ainsi, il est possible de s'en servir comme tête de lit, les butées de hauteur de ces façades s'appuyant alors sur la traverse en U de blocage des pieds.
Les tiroirs finissent leur transformation en lit en posant sur les flancs des genres de crémaillère en U dont les créneaux permettent de localiser les lattes de sommier. Puis les lattes de sommiers peuvent être posées les unes après les autres sur ces crémaillères, étant bloquées latéralement par des petits blocs dessous. Ce n'est ensuite plus que l'affaire de poser des matelas stockés sous un vrai lit, pour l'encombrement, et le tour est joué.
L'optimisation des différentes longueurs et positionnements des éléments m'a particulièrement occupée. Dans le cas présent, le coin coupé de l'établi garantit la circulation si on aménage les deux lits. D'autre part, le fait que le banc fasse partie de la longueur des lits permet d'avoir des tiroirs assez grands -rangés en partie sous le banc- pour avoir la longueur totale, et pas trop grands tels qu'ils ne rentrent plus dans la pièce.
Je suis très satisfait du fonctionnement et du rendu complet des lits tiroirs. Il me faut environ cinq minutes pour transformer la pièce dans un sens comme dans l'autre (sans compter le ménage préalable si on venait de raboter sur l'établi, ni le fait de faire les lits avec les draps
)
Voilà qui conclut cette longue présentation. Je remercie ceux qui m'ont lu jusqu'au bout et renouvelle mon espoir que quelques idées puissent être réutilisées par d'autres qui cherchent des compromis et des cumuls de fonctionnalités dans de petits espaces.

Discussions
Bluffant!
Merci ! Ton bureau l'était au moins autant !
Incroyable !
Chapeau, c'est ce qui s'appelle optimiser l'espace.
J'adore le résultat !
Beaucoup d'astuces dans cette pièce bravo !
Impressionnant ! De beaux assemblages.